À propos de l'auteur : Jean-Claude Bürger

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Jean-Claude Bürger

On a dit que ce jeudi 8 septembre le vingtième siècle s’est fait reléguer définitivement à la place qui lui revient: dans les livres d’Histoire.

Rarement la mort que chacun savait imminente, d’une très vieille dame qui n’a pratiquement jamais exprimé en public une opinion ou un sentiment sur quoi que ce soit, n’a généré, une telle vague d’émotions chez des gens qui ne l’ont jamais rencontrée. Peut-être est-ce parce que depuis près de trois quarts de siècle elle incarnait une forme d’illusion de permanence rassurante, dans un monde de plus en plus mouvant.

On peut s’étonner du pouvoir et de la fascination qu’exerce la monarchie anglaise. Cette institution basée sur des privilèges héréditaires, qui maintient vivace la prééminence d’une classe aristocratique à l’intérieur du pays et la cohésion d’un empire ex colonial dont nous faisons d’ailleurs partie, semble appartenir au passé.

Brise et tempêtes

Si on ajoute le fait que le ou la Monarch y est de plein droit investi de la fonction de chef religieux, on peut s’étonner que la mort de la reine Élisabeth II déclenche aussi chez nous aussi peu de polémique. Nous vivons pourtant dans cet océan de « political correctness » où la moindre brise déclenche des tempêtes. L’affliction témoignée par le premier ministre du Canada qui n’est cependant jamais en reste lorsqu’il s’agit d’afficher sa dévotion aux valeurs à la mode, illustre bien ce paradoxe.

Confit des principes insufflés par une école républicaine et laïque, j’ai dû il y a près d’un demi-siècle surmonter quelques scrupules lorsqu’il m’a fallu prêter serment de loyauté à la Reine et à ses descendants pour obtenir la nationalité canadienne (mais comme le disait Henri IV, Paris vaut bien une messe !).

La monarchie n’est ni dans son principe, ni dans sa pratique « politically correct » pourtant dans le cas de l’Angleterre elle a ouvert la voie au parlementarisme et à nombre d’institutions démocratiques occidentales.

Discrets royaumes

Que les amateurs de reine se rassurent si Elisabeth II n’est plus, Margrethe II, sa cousine éloignée, règne encore depuis plus d’un demi-siècle sur le Danemark qui fait partie de ces discrets royaumes européens. Il y a aussi la Belgique, la Hollande, la Suède, la Norvège, l’Espagne, auxquelles on peut ajouter le Grand-Duché du Luxembourg. Quelques principautés témoignent également du fait que la fidélité à l’Histoire et à ce qu’elle symbolise pour le meilleur et pour le pire, n’est pas incompatible avec l’exercice de la démocratie.

Qui plus est, alors que monarchie signifie étymologiquement pouvoir d’un seul, aucun de ces royaumes européens n’est aujourd’hui menacé d’autocratie, alors que plusieurs républiques le sont. La Russie, la Hongrie la Biélorussie, sont déjà dirigées par des autocrates ou d’apprentis dictateurs; l’Italie va semble-t-il élire ce mois-ci une coalition de droite où figure en bonne place un mouvement héritier du fascisme mussolinien, en France et en Allemagne des partis prônant diverses formes d’autoritarisme connaissent des succès croissants. Même aux États-Unis, un démagogue, soutenu par des milices armées, inspirateur d’un coup d’État avorté, a toutes ses chances aux prochaines élections.

Depuis l’effondrement des régimes communistes, jamais le danger de totalitarisme n’a été aussi présent en Occident.

Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, dit la sagesse populaire. On peut en dire autant des systèmes politiques peu importe leur genèse si dans les faits ils assurent la prévalence d’une forme acceptable de liberté et de démocratie. Alors, au nom des valeurs qui président à mes convictions républicaines pourquoi ne pas m’écrier avec le peuple : La Reine est morte, vive le Roi !

 

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