Partagez cet article
Marie-Josée Boucher
Un groupe de jeunes étudiants réunis au café étudiant du cégep de Rosemont à Montréal.
Si le scrutin provincial du 3 octobre a porté au pouvoir la Coalition avenir Québec (CAQ) pour un deuxième mandat majoritaire, la participation des jeunes de 18 à 24 ans au suffrage ne semble pas s’être démarquée, tout comme lors des élections de 2018. Les jeunes ne manquaient pourtant pas de possibilités de se prévaloir de leur droit de vote.
Marie-Josée Boucher
Comme en 2014 et en 2018, Élections Québec, un organisme indépendant et apolitique qui vise à assurer la transparence du processus électoral, avait installé des bureaux de vote dans les établissements d’enseignement, comme les centres de formation professionnelle, les cégeps et les universités.
De plus, pour la première fois, non seulement les jeunes, mais aussi le personnel enseignant et de soutien pouvaent voter dans ces établissements.
Selon les données de l’organisme, cette possibilité a totalisé 165 lieux de vote à l’échelle du Québec. Dans certains cas, comme à l’Université Laval à Québec, qui compte plusieurs pavillons sur son campus, il pouvait y avoir plus d’un bureau de vote.
Pour qu’Élections Québec installe un bureau de vote dans un établissement d’enseignement, celui-ci devait compter au moins 300 étudiants admissibles à voter.
« Il n’y a pas eu de surprises particulières », rapporte, en entrevue téléphonique, Gabriel Sauvé-Lesiège, porte-parole, relations médias à Élections Québec.
Fonctionnement dans les établissements
Les établissements d’enseignement ont offert des bureaux de vote par anticipation le vendredi 23 septembre, puis du mardi 27 au jeudi 29 septembre.
La liste des électeurs québécois inscrits comptait 525 886 électeurs âgés de 18 à 24 ans.
Gabriel Sauvé-Lesiège fait valoir que le vote offert en établissement facilitait les choses pour de nombreux étudiants. Prenons l’exemple d’un jeune électeur originaire du Bas Saint-Laurent, qui étudie au cégep Ahuntsic à Montréal et qui désire voter pour le candidat de sa circonscription du Bas Saint-Laurent.
L’électeur devait s’identifier et être inscrit sur la liste électorale. « Le bulletin de vote qu’il avait était un peu différent puisque c’est un bulletin en blanc qu’il devait compléter à la main », explique M. Sauvé-Lesiège.
Élections Québec lui fournissait alors la liste des candidats dans sa circonscription d’origine pour qu’il fasse son choix. C’est ce qu’on appelle le vote hors-circonscription.
Les établissements permettaient aussi, bien sûr, le vote intra circonscription, c’est-à-dire que l’étudiant ou l’électeur votait pour le candidat choisi dans la circonscription où était situé l’établissement d’enseignement.
M. Lesiège précise que tant en 2014, en 2018 qu’en 2022, près de 80 % des votes exercés en établissement étaient des votes hors-circonscription. En 2014, ils s’élevaient à 43 227, à 34 172 en 2018, pour remonter à 38 954 le 3 octobre dernier.
Il ne nous a pas été possible de chiffrer le nombre exact de jeunes qui ont voté le 3 octobre par rapport à la participation globale des électeurs de 66,15 %. Il est trop tôt pour obtenir ces données concernant strictement les jeunes.
Élections Québec travaille avec la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval. Un bilan plus détaillé du scrutin du 3 octobre devrait être rendu public, mais aucune date n’est prévue pour l’instant.
Un recul notable
« Le taux de participation des jeunes a été similaire à celui de 2018. Ça n’exclut pas l’hypothèse que le taux pourrait être en chute », estime Jean-Pascal Larin, enseignant en sciences politiques au cégep Édouard-Montpetit, qui a exercé son droit de vote au cégep.
Au cours d’un entretien téléphonique, il s’est dit étonné des appuis à Québec solidaire et au Parti québécois. « Le vote de Québec solidaire, dont le bassin d’électeurs se trouve chez les jeunes, n’a pas sorti, sauf à Sherbrooke. Il faut croire que les étudiants de l’Université se sont mobilisés davantage. J’ai lu récemment un sondage qui révélait que le Parti québécois est arrivé bon dernier dans les intentions de vote des jeunes, ce qui m’a frappé », précise-il.
L’intérêt pour la politique
L’intérêt pour la discipline de la politique joue bien sûr un grand rôle en regard de la participation des jeunes aux scrutins.
L’enseignant Jean-Pascal Larin peut en témoigner. « Au début de nos cours, mes collègues et moi, on les interroge sur la vie politique. Près de la moitié des étudiants montrent peu d’intérêt pour la question. Ils ont surtout une vision un peu réduite : c’est pour eux la politique partisane, celle des partis », observe-t-il.
« Je leur dis que la politique, c’est trop important pour laisser ça aux seuls politiciens. Il faut voir cela de façon plus large, comme par les enjeux et les débats de société », ajoute l’enseignant.
Il confirme qu’à la fin de son cours et de celui de ses collègues du département de Géographie- Histoire- Politique du cégep Édouard-Montpetit, les jeunes changent habituellement d’idée et prennent conscience de l’importance de la politique.
Il indique que l’engagement de voter est lié à une conscience sociale. « Les gens qui vont voter le font par devoir. C’est un geste collectif. Dans le processus de socialisation politique, le taux de participation au vote augmente avec l’âge. Les jeunes n’ont pas terminé ce processus», croit-il.
Inquiétude non justifiée
« On s’inquiète beaucoup de la chute de participation des jeunes, mais il faut faire attention », prévient Jean-Pascal Larin. « L’intérêt pour la politique dépend souvent des enjeux de société et de la conjoncture historique dans laquelle on se trouve.»
Il rappelle que la participation des jeunes était beaucoup plus importante dans les années 1970, notamment lors de l’élection du Parti québécois en 1976. « C’était la Révolution tranquille qui était en marche. Il y avait des groupes féministes et sociaux dans divers domaines. Il y avait un mouvement important de changement. Cela suscite un taux de participation beaucoup plus élevé », souligne-t-il
M. Larin considère également qu’il n’y a pas de relation directe entre la participation aux élections fédérales et provinciales. Selon lui, au fédéral, les jeunes ont davantage boudé le scrutin lorsque Stephen Harper était au pouvoir pour augmenter leur participation avec l’arrivée au pouvoir du chef libéral Justin Trudeau.
Aux dires de l’enseignant, la sphère municipale peut constituer une expérience très concluante pour les jeunes. « On oublie le volet municipal, mais il va devenir encore plus important dans l’avenir. Il y a là pour les jeunes un espace à prendre », conclut-il.